Étape 8, L’apprentissage
Son regard semble inquiet, peut-être vient-il pour la première fois ? Dés qu’il est pris en charge, un jeu s’instaure entre le kiné et lui, son visage s’éclaire, celui de sa jeune maman aussi. Les gestes que j’observe sont très précis mais ils m’échappent, je ne les comprends pas. Le regard insistant de Martial sur une action m’indique que le geste est à photographier puis de l’insistance de son regard on passe à un hochement de tête, une bouche qui s’ouvre en grand sans rien emmètre et des yeux qui montent au ciel. Il sait, lui qui est kiné depuis toujours, que le geste du soignant est beau et qu’il est parfaitement exécuté. Alors je « shoote » ce geste qui parait encore banal à mes yeux, tout en cherchant à m’accommoder de l’exigüité de la pièce et à avoir une image esthétique empreinte de belles lumières. A défaut du geste, ce que je ressens profondément, c’est le lien qui unit maintenant le kiné et ce gamin. La prise de vue devient presque facile, ce duo me donne de la matière c’est cela, je le ressens, c’est cela qui va construire mes images.
Après que le petit garçon soit ressorti tout sourire avec sa maman, après quelques instants de réflexion, je m’étonne de me faire ce constat quant au lien entre patient et soignant. Pourquoi cette surprise, après tout il s’agit bien là de notre démarche initiale, celle-là même de montrer le fondement humanitaire de cette profession. Oui c’est bien cela, sauf que de la théorie encore impalpable du projet, je viens de vivre un événement factuel bien plus pragmatique que toutes les hypothèses envisagées.
Je sais où je vais, ce que je dois photographier, il faudra juste que je me nourrisse de ces échanges sans interférer. Petit débriefing de cette séance qui a tout de même duré trois heures durant lesquelles nous avons dû photographier une dizaine d’enfants. J’en reviens à ce geste pour lequel Martial avait tant insisté de ses mimiques pour que je déclenche, je lui demande alors c’était parfaitement exécuté ? Il rétorque avec des yeux encore pétillants « non, non !…là on était dans l’excellence ».
Philippe